Introduction
L'hypertrophie bénigne de la prostate (adénome)
Le cancer de la prostate
Conclusion
La prostate est une glande génitale, située anatomiquement autour de l'urètre, conduit par lequel cheminent les urines, elles même stockées dans la vessie, jusqu'au méat urétral. Sa pathologie aura donc des répercussions essentiellement sur la miction entrainant des symptômes en rapport avec une obstruction ou une irritation de la base de la vessie.
Une prostate normale pèse environ 15 à 20 grammes. Son poids augmente progressivement avec l'âge du fait du développement de la partie centrale qui forme un adénome, plus exactement appelé hypertrophie bénigne de la prostate. Son rôle est important dans l'activé de reproduction car sa sécrétion glandulaire entre dans la composition du sperme et lui améliore son pouvoir fécondant. C'est de plus un carrefour entre la voie génitale et la voie urinaire: le confluent entre les canaux éjaculateurs et l'urètre se situe au niveau du veru montanum, à la partie postérieure et distale de l'urètre prostatique. La prostate n'intervient pas dans les mécanismes de la continence assurés quant à eux par le col vésical et le sphincter strié urétral situés pour le premier au-dessus et pour le second au-dessous de la prostate.
Outre les infections, la pathologie prostatique est dominée par deux affections principales: l'adénome ou hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) et le cancer de la prostate.
L'HYPERTROPHIE BENIGNE DE LA PROSTATE (ADENOME).
L'adénome prostatique correspond à l'hypertrophie progressive de la partie centrale de la prostate ou prostate craniale encore appelée prostate transitionnelle par les anatomistes. Cette hypertrophie, bénigne, peut entrainer une compression de l'urètre qu'elle entoure et retentir sur la qualité des mictions. C'est l'apparition de cette gène qui fait en général consulter le patient. En effet, cette compression peut entrainer des signes obstructifs c'est à dire une dysurie (diminution de la force du jet), l'apparition de gouttes retardataires après la miction, mais également des signes irritatifs associant à des degrés divers une pollakiurie (augmentation de la fréquence des mictions, elles mêmes de petit volume) et des impériosités (apparition très brutale du besoin d'uriner pouvant aboutir dans certains cas à des fuites par impossibilité de se retenir). Plus rarement cette hypertrophie pourra être responsable d'infection prostatique ou d'une hématurie. Pour évaluer et quantifier les symtômes de l'hypertrophie prostatique, on peut utiliser un score symptomatique (score I-PSS). Il peut être également utile pour mieux préciser la signification de tel ou tel symptôme de faire établir par le patient un catalogue mictionnel.
A l'extrême, cette obstruction pourra se compliquer d'une rétention vésicale complète avec impossiblité de pouvoir uriner malgré un besoin permanent devenant rapidement douloureux. Ce blocage nécessite la mise en place en urgence d'une sonde vésicale ou d'un cathéter sus-pubien pour drainer les urines avant d'envisager le traitement de la cause c'est à dire l'ablation de l'adénome de façon plus différée.
Le diagnostic d'adénome prostatique repose sur le toucher rectal qui permet d'en apprécier les différents caractères: volume, morphologie, et consistance qui doit être en principe souple, symétrique, régulière. Toute irrégularité, induration fera suspecter un cancer associé. On pourra complèter les examens par un ECBU (qui éliminera une infection), une débitmétrie (qui tente de quantifier la dysurie donc l'obstruction), un dosage de la créatininémie (qui étudie la fonction rénale) du PSA (dont le but est de dépister un éventuel cancer associé à l'adénome), une échographie vésico-prostatique et rénale (qui étudie le retentissement de cet adénome sur le haut appareil et sur la vessie, mesure la taille de la prostate).
Une fois ce bilan effectué, se discutera ensuite un traitement dont la nature sera fonction de la gène du patient, du retentissement vésical de l'adénome et de l'existence d'une éventuelle complication (infection, lithiase, rétention). En effet, l'obstruction chronique de la vessie peut aboutir à des altérations de sa paroi et donc de son fonctionnement, voir à sa destruction si elle est trop longtemps négligée. C'est donc la vessie que l'on cherche à préserver en traitant un adénome.
Le traitement peut être médical ou chirurgical. Les traitements médicaux vont permettre de diminuer la gène en essayant de "décomprimer" le col vésical et l'urètre prostatique. Plusieurs familles de médicaments sont disponibles: les extraits de plantes (Permixon®, Tadénan®), les alpha-bloquants (Urion®, Xatral®, Omix®, Josir®, Dysalfa®, Hytrine®, Zoxan®, Silodyx®, Urorec®), les inhibiteurs de la 5 alpha-réductase (Chibroproscar®, Avodart®). Leur efficacité et leurs effets secondaires sont variables mais ils permettent dans les adénomes non compliqués et modérément symptomatiques d'améliorer le confort mictionnel. Cette efficacité est parfois difficile à mettre en évidence car un simple placebo améliore les troubles dans 25 à 35 % des cas !
Les traitements chirurgicaux sont les plus efficaces et s'adressent aux adénomes compliqués, ayant un retentissement vésical, ou symptomatiques et pour lesquels le traitement médical n'a pas entrainé d'amélioration fonctionnelle.
Les
deux méthodes de références actuelles sont la résection
endoscopique et l'adénomectomie par voie haute. Dans les deux cas, c'est
l'ensemble de l'adénome qui sera enlevé mais en aucun cas toute
la prostate. En effet la prostate périphérique est toujours laissée
en place lorsque l'on traite un adénome prostatique.
La
résection endoscopique utilise des appareils endoscopiques qui vont permettre,
en empruntant un conduit naturel, l'urètre, d'assurer l'ablation de l'adénome
en le découpant en petits copeaux qui seront extraits en fin d'intervention
et ensuite analysés histologiquement.
L'ablation
de l'adénome par voie endoscopique peut également se faire en
brûlant le tissu prostatique adénomateux par laser (photovaporisation
par GreenLight) ou par électrovaporisation mais cette vaporisation empêche
alors toute vérification histologique dans les situations ou elle est
préférable. L'énergie laser peut également être
utilisée pour réaliser une énucléation par voie
endoscopique (technique HOLEP) avec une morcellation dans la vessie de l'adénome
libéré en fin d'intervention.
Dans
certains cas on peut préférer une simple incision du col ou de
l'adénome pour préserver au mieux les possibilités d'éjaculation
antégrade (incision cervico-prostatique).
La
réduction du volume de l’adénome par radiofréquence
(TUNA) peut également être proposée. Son principe est basé
les possibilités de nécrose tissulaire induite par les radiofréquences.
Ce traitement semble plutôt actuellement une alternative au traitement
médical qu'au traitement chirurgical "classique".
L'adénomectomie
assure l’exérèse de l’adénome mais en monobloc,
en ouvrant la vessie le plus souvent, et par une incision abdominale. Le choix
entre ces techniques se fait en fonction du volume de l'adénome: pour
un adénome de volume faible ou modéré, la voie endoscopique
est la plus adaptée, au-dela de 100 grammes, on préférera
en général une adénomectomie par voie haute.
Ces
interventions entraînent le plus souvent une éjaculation rétrograde
mais n'ont pas de retentissement sur la qualité des érections
(sur le plan anatomo-physiologique). Elles nécessitent une hospitalisation
allant de 24 à 7 jours selon la technique utilisée. Les risques
d'incontinence sont très faibles. La surveillance de la prostate périphérique
ou coque prostatique demeure après ce type d'intervention et si l'âge
le justifie. Elle se fera par un toucher rectal et un dosage du PSA en général
tous les 1 à 2 ans.
Le cancer de prostate est une affection très fréquente mais ne représente que la seconde cause de mortalité par cancer chez l'homme après 60 ans. Sa prévalence est très importante car on considère que si tous les hommes vivaient centenaires, on leur retrouverait pratiquement dans tous les cas un cancer de prostate en leur faisant une étude histologique systématique de leur prostate. Toute la difficulté actuelle du dépistage consiste à ne faire le diagnostic de cancer que chez les seuls patients pour lesquels le cancer aura un retentissement clinique, donc sur leur espérance de vie et/ou sur leur qualité de vie. Actuellement, selon les recommandations de l'ANAES, il n'est pas recommandé de faire un dépistage de masse systématique.
C'est un cancer glangulaire (ou adénocarcinome), dont l'évolution est très lente (le temps de doublement est en moyenne de 2 ans). Le principal facteur de risque d'apparition est l'âge. Il peut exister également un risque familial lorsque les ascendants directs ont eu un cancer de prostate. Par contre l'existence d'un adénome, opéré ou non, n'augmente pas et inversement ne diminue pas le risque de développer un cancer de prostate: il peut tout au plus être à l'origine de la découverte d'un cancer associé à cette hypertrophie bénigne ou découvert dans sa surveillance.
Les signes cliniques et en particulier les troubles de la miction sont en général tardifs. Le diagnostic se fera donc le plus souvent lors d'un examen prostatique ou un dosage de PSA systématique ou de surveillance, plus rarement sur une échographie. Parfois ce diagnostic est fait lors de l'analyse histologique des copeaux d'une résection endoscopique ou d'une pièce d'adénomectomie. Encore actuellement, c'est la découverte d'une métastase douloureuse qui peut dans certains cas faire découvrir le cancer.
En effet l'évolution locale est en général lente et peu symptomatique. Par contre le cancer de prostate est un cancer très ostéophyle: le premier site métastatique est l'os, en premier lieu le rachis dorso-lombaire et le bassin.
Le diagnostic de cancer de prostate se fera sur des biopsies prostatiques. Celles-ci se font actuellement le plus souvent sous repérage échographique lors d'une échographie endo-rectale où une sonde d'échographie, introduite par l'anus, est placée directement au contact de la prostate par l'intermédiaire de la muqueuse rectale. On effectue ainsi à l'aide d'un dispositif guide-aiguille adapté sur la sonde, plusieurs prélèvements sur les lésions échographiquement suspectes ou préalablement repérée en IRM, mais également sur le reste de la prostate afin de prouver la tumeur et bien préciser son extension locale. Ces biopsies se font maintenant couramment sans hospitalisation sous anesthésie locale, en simple consultation mais sous antibioprophylaxie.
Une fois le diagnostic histologique fait, on réalisera un bilan d'extension qui comprendra très souvent une IRM endorectale et pelvienne, une scintigraphie osseuse et parfois un TEP TDM à la choline.
La vitesse d'évolution lente, l'âge de découverte souvent tardif doit faire envisager tout traitement avec prudence. En effet dans bon nombre de cas, le but recherché dans la prise en charge ne doit pas être la suppression à tout prix de la tumeur, mais maintenir un confort et une qualité de vie normale, une autre affection en particulier cardio-vasculaire dominant le pronostic vital bien souvent.
Le dosage du PSA a considérablement modifié le dépistage des cancers de prostate. Le PSA est une molécule sécrétée par toute cellule prostatique. Elle est spécifique de la prostate mais n'est pas spécifique du cancer de prostate même si sa sécrétion est plus importante par les cellules tumorales. Son taux doit donc être pondéré par différentes données dont le poids de la prostate, l'existence d'une éventuelle infection, l'évolution dans le temps de celui-çi.
Le traitement du cancer de prostate varie en fonction de l'âge, de l'étendue locale ou à distance de la tumeur et des éventuelles pathologies associées notamment cardio-vasculaires, neurologiques,...
Il repose sur plusieurs méthodes qui peuvent s'associer, se succéder. Le traitement hormonal a été le premier traitement efficace sur cette tumeur. En effet, le cancer de prostate est un cancer hormonodépendant. La suppression de l'effet de la testostérone, hormone mâle sécrétée par certaines cellules testiculaires le fait involuer. Cette action peut être obtenue en supprimant la fabrication de la testostérone par le testicule soit en effectuant une castration ou pulpectomie chirurgicale, soit en utilisant un traitement médical par injections régulières tous les un, deux ou trois mois d'analogues de la LH-RH (Décapeptyl®, Zoladex®, Enantone®, Bigonist®). Ces analogues agissent sur l'hypophyse, en freinant la synthèse de la LH, peptide stimulant de la sécrétion de testostérone par le testicule. A côté de ces méthodes reproduisant une castration (chirurgicale ou chimique), on peut utiliser des anti-androgènes (Eulexine®, Anandron®, Casodex®) dont le but est de bloquer les récepteurs cellulaires prostatiques à la testostérone. Environ 80 à 90 % des cancers sont hormonodépendants d'emblé mais 80 % des cancers hormono-dépendants deviendront résistants à ce traitement lors du suivi. On parle alors d'échappement au traitement hormonal.
Sur les tumeurs localisées à la prostate, on peut avoir recours à un traitement purement local et dont le but est de guérir définitivement en détruisant tout le tissu tumoral. Dans ce but, on peut effectuer une prostatectomie radicale ou faire une radiothérapie "radicale". La prostatectomie consiste en l'ablation complète de la prostate et des vésicules séminales. Le col de la vessie est ensuite suturé à l'urètre pour rétablir la continuité urinaire. C'est une intervention dont les risques ont été considérablement améliorés mais entrainant environ 10 à 20 % d'incontinence et 50 à 90 % d'impuissance. Elle permet l'ablation de la tumeur, un examen histologique complet, une meilleure stadification et une surveillance précise avec le dosage du PSA qui ne doit plus être décelé après ablation de la prostate si toute la tumeur a été enlevée. Une prostatectomie pourra être dans certains cas suivie par un radiothérapie locale si l'extension locale était plus importante que prévue.
La radiothérapie peut se faire selon les caractères de la tumeur, par voie externe ou par implantation dans le tissu prostatique de grains radioactifs d’iode (curiethérapie) et évite une intervention. La radiothérapie externe doit s'étaler sur plusieurs semaines afin d'en limiter ses effets secondaires.. Il peut apparaître en effet des lésions radiques vésicales ou rectales dans 10 à 15 % des cas. Le risque d'incontinence est plus faible qu'après prostatectomie mais non nul (5 à 10 %) et le taux d'impuissance est également nettement moindre (de l'ordre de 30 à 40 %). La radiothérapie va contre-indiquer en règle générale, une prostatectomie ultérieure en cas d'échec, du fait des risques per-opératoires et séquellaires qu'elle majore.
Parfois il peut être proposé une surveillance active si la tumeur est de petite taille, bien différenciée , avec un PSA peu élevé mais nécessitant une surveillance biologique, clinique et par biopsies prostatiques . Sont en cours d’évaluation des méthodes de traitement focal (ou localisé) utilisant les ultrasons focalisés (HIFU) ou le laser interstitiel (thérapie thermique ou photodynamique).
Dans certains cas, en cas d'obstruction urétrale par la tumeur il pourra être nécessaire dans l'évolution d'un cancer de prostate de faire une résection endoscopique dont le but n'est pas de guérir mais de lever un obstacle empéchant le bon écoulement des urines et pouvant entraîner un blocage vésical.
Les indications du traitement sont essentiellement fonction de l'âge du patient ou plus exactement de son "espérance de vie", et de l'importance de la tumeur. Les critères de décision doivent permettre d’éviter de « sur-traiter » mais éviter également de « sous-traiter ». Environ 75 000 nouveaux cas de cancer de la prostate sont diagnostiqués chaque année et moins de 10 000 hommes décéderont chaque année d’un cancer de prostate (4ème cause de mortalité par cancer). De façon générale, une petite tumeur localisée découverte après 75 ans, ne justifiera le plus souvent qu'une simple surveillance. Comme indiqué précédemment, il s'agit de tumeur d'évolution le plus souvent très lente et ce n'est que devant l'apparition de symptômes ou devant une évolution anormalement rapide que l'on pourra proposer un traitement médical. A l'inverse devant une petite lésion découverte avant 70 ans chez un patient en bon état général et pour lequel l'espérance de vie est supérieure à 10/15 ans, un traitement radical type prostatectomie ou radiothérapie pourra être envisagé. Entre ces deux âges et toujours pour une tumeur localisée, la décision n'a rien d'univoque et sera discutée au cas par cas avec le patient, en tenant compte des résultats histologiques, du bilan local, de son souhait ou non de conserver une activité sexuelle,....
Les tumeurs d'emblée métastatiques ne relèvent quant à elles que d'un traitement médical hormonal. La prostatectomie ou la radiothérapie sont alors inutiles et n'apportent que leurs complications respectives sans aucun avantage en terme de survie ou qualité de vie.
La
prostate et ses affections sont pour beaucoup un sujet d'interrogation, parfois
d'inquiétudes liées pour l'essentiel à une méconnaissance
ou au contraire à une sursaturation d'informations apportées par
de nombreux articles ou émissions dont le sensationnel n'est pas toujours
la moindre des motivations.
On comprendra donc qu'il n'existe pas une Maladie de la prostate
ou une Intervention de la prostate. Chaque cas est particulier et les solutions
proposées pour un individu donné seront parfois nuisibles pour
un autre alors qu'il souffre du même organe mais pas nécessairement
de la même maladie et au même stade!
Docteur B. d'ACREMONT - Mise à jour le 26 décembre 2014