ADENOMECTOMIE PROSTATIQUE PAR VOIE ABDOMINALE
Sommaire
Indications
thérapeutiques dans l'hypertrophie prostatique bénigne
Types d'interventions
Préparation
Anesthésie et protocole opératoire
Suites post-opératoires lors de l'hospitalisation
Suites post-opératoires à la sortie
de la clinique
Complications
Recommandations
INDICATION ET BUT DU TRAITEMENT CHIRURGICAL DE L'HYPERTROPHIE BENIGNE DE LA PROSTATE
L'augmentation de volume de la prostate appelée hypertrophie bénigne
de la prostate ou adénome prostatique est une affection bénigne
entraînant une gène à la vidange de la vessie. Une intervention
sur l’adénome prostatique est nécessaire lorsque le traitement
médical ne peut suffire à améliorer les symptômes
qu’il provoque ou si apparaissent des complications liées à cette
hypertrophie : calcul vésical, infection, rétention vésicale,
vessie de lutte.
Cette intervention demeure le traitement actuellement de
référence quant aux résultats sur le fonctionnement de
la vessie, l’amélioration des symptômes. L’efficacité de
l’intervention est nette surtout sur le débit urinaire en améliorant
la force du jet ce d’autant plus qu’il est lent ou difficile à émettre
avant l’intervention. L’amélioration sur la fréquence des mictions
ou leur caractère impérieux est la règle mais peut dans
certains cas ne pas être complète voire même inexistante
s’il existe une hyperactivité vésicale pré-opératoire
qui peut alors persister même après l’ablation de l’obstacle prostatique.
Cette intervention consiste donc à retirer l'adénome prostatique
c'est-à-dire la partie centrale de la glande prostatique faisant obstacle
au bon déroulement de la miction. Il reste donc en fin d’intervention
la partie périphérique de la prostate encore appelé coque
prostatique (l'ablation totale de la prostate, ou prostatectomie radicale, ne
se fait que dans certains cas bien particuliers de cancer de prostate; il s'agit
alors dans ce dernier cas d'une intervention plus importante dont les risques
en particulier d'incontinence et les conséquences sur la sexualité
sont plus importants et donc trop importants s'agissant dans le cas d'un adénome,
d'une affection bénigne).
L’ablation d’un adénome peut se faire par voie
endoscopique ou par voie chirurgicale par une incision abdominale en ouvrant
la vessie. L’objectif et le résultat des deux techniques est le même
à savoir l’ablation de l’adénome dans son intégralité
et dans les deux cas il reste en fin d’intervention la partie périphérique
ou coque de la prostate.
Le choix entre les deux méthodes est fonction du volume
de l’adénome et de l'existance éventuelle d'une anomalie de la
vessie à traiter dans le même temps (calcul vésical, diverticule,
etc). En effet au-dela d’une certaine taille, une adénomectomie par voie
chirurgicale est préférable.
A côté de ces deux méthodes enlevant l'adénome, il
est possible dans certains cas de ne faire qu'une simple incision cervico-prostatique
lorsque l'adénome est peut volumineux et pour limiter le risque d'éjaculation
rétrograde.
D'autres techniques plus récentes ont été développées et peuvent être proposées. Elles visent à entrainer une réduction du volume prostatique par radiofréquence pour le TUNA, ou obtenir une destruction du tissu prostatique par vaporisation laser de l'adénome (laser KTP avec le procédé Greenlight) ou réaliser une énucléation de l'adénome par voie endoscopique avec récupération du tissu après morcellation dans la vessie de l'adénome (procédé HOLEP). Les résultats immédiats et à long terme avec ces techniques ne sont pas meilleurs qu'avec la résection trans-urétrale de prostate ou qu’avec l'adénomectomie chirurgicale mais pour celles utilisant le laser, elles permettent de diminuer les risques de saignements pendant l'intervention et dans les suites immédiates, racourcissant la durée de maintient d'une sonde urinaire.
Comme
avant toute intervention une consultation d'anesthésie est obligatoire
au moins 24 heures avant l'hospitalisation.
Une analyse d'urine est effectuée avant l'hospitalisation
pour vérifier l'absence d'infection urinaire et la traiter dans le cas
contraire.
Pour limiter les risques d'infections nosocomiales,
une douche utilisant un savon antiseptique vous sera demandée selon le
protocole en vigueur, la veille au soir et/ou le matin de l'intervention. En
début d'intervention un antibiotique est également administré
dans ce but (antibiophophylaxie)
ANESTHESIE ET PROTOCOLE OPERATOIRE
L'adénomectomie prostatique peut se faire sous anesthésie générale
ou sous anesthésie loco-régionale (péridurale ou rachianesthésie).
L'anesthésie générale est pratiquée
par injection intraveineuse et vous endort complètement. Elle nécessite
l'assistance ventilatoire par l'intermédiaire d'une sonde d'intubation
ou d'un masque laryngé.
La rachi-anesthésie est réalisée par
injection d'un produit anesthésiant dans le liquide céphalo-rachidien,
selon une technique identique à celle de la ponction lombaire. Elle provoque
une anesthésie de la moitié inférieure du corps, qui vous
permet de rester parfaitement conscient et de respirer spontanément.
Dans ce dernier cas, l'anesthésie se lèvera progressivement, permettant
un meilleur confort et une bonne tolérance de la sonde trans-urétrale
mise en place.
Le choix de l'une ou de l'autre technique sera fait après
consultation pré-anesthésique auprès du médecin
anesthésiste. L'une ou l'autre technique pourra s’imposer en raison de
l'existence de problèmes cardiaques, pulmonaires ou de colonne vertébrale.
L'intervention est conduite par une incision sur la
paroi de l'abdomen, au-dessus du pubis, verticale ou médiane. L'adénome
est ensuite séparé de la coque prostatique périphérique
par l'intérieur de la vessie après l'avoir incisée (adénomectomie
par voie trans-vésicale) ou en incisant directement la capsule prostatique
(technique de Millin). L'adénome une fois retiré est systématiquement
adressé au laboratoire pour examen anatomo-pathologique au microscope.
L'intervention dure environ 30 à 60 minutes. Dans la majorité des cas après adénomectomie prostatique, il n'est pas nécessaire de transfuser, même si le taux d'hémoglobine baisse. Le plus souvent on se contentera de prescrire du fer, et le taux d'hémoglobine reviendra à sa valeur antérieure dans le mois suivant l'intervention. Néanmoins, il faut savoir que la prostate est un organe qui peut saigner abondamment et la probabilité de transfusion après l'intervention certes faible, n'est pas nulle.
En fin d'intervention, une sonde vésicale empruntant l'urètre est laissée en place. Cette sonde va permettre d'assurer un lavage vésical permanent par du sérum physiologique. Les urines qui arrivent dans la vessie ainsi que le sérum servant à laver la vessie ressortent ensuite tous les deux directement dans la sonde et ceci en continu. La paroi est refermée en laissant habituellement un petit drain aspiratif au contact de la suture de la vessie ou de la capsule prostatique.
La sonde vésicale sera laissée quelques jours en fonction du saignement résiduel du site opératoire. La sonde sera enlevée en fonction de la coloration et de la fluidité des urines mais habituellement 5 jours après l'intervention. Dans certains cas, la sonde pourra être laissée plus longtemps, notamment si la vessie était en rétention chronique avant l'intervention, afin de permettre à cette dernière de récupérer une contractilité suffisante pour permettre une vidange correcte. Dans ce cas ou systématiquement selon les opérateurs, on pourra placer pendant l'intervention un cathéter sus-pubien, petit drain mis à travers la peau, au-dessus du pubis, directement dans la vessie. Ce drain permettra de vérifier une fois la sonde urétrale retirée, la bonne vidange de la vessie en mesurant après chaque miction par les voies naturelles, la quantité d'urine restant dans la vessie (résidu-post-mictionnel).
La sonde vésicale corps étranger intraurétral et intra-vésical est maintenue dans la vessie par un ballonnet gonflé à son extrémité. Ce corps étranger (out comme un éventuel cathéter sus-pubien) peut être parfois mal toléré et entraîner des envies d'uriner douloureuses correspondant à la contraction de la vessie sur ce ballonnet. Cette contraction peut entraîner de petites fuites d'urine le long de la sonde par le canal urétral. Si ce phénomène se produit il est important de bien vérifier la bonne perméabilité de la sonde qui peut être bouchée par des caillots. Dans ce dernier cas, un lavage manuel avec une grosse seringue sera nécessaire afin d'éliminer les caillots et rétablir la perméabilité de la sonde.
L'ablation de la sonde se fait après avoir dégonflé le ballonnet par la petite valve située à l’extrémité extériorisée de la sonde. La sonde glisse ensuite très facilement le long de l'urètre. Une fois la sonde retirée, il sera important de continuer à boire bien abondamment afin de maintenir un lavage de la vessie par les urines elle-mêmes.
SUITES APRES L'HOSPITALISATION
Les mictions peuvent être encore fréquentes, douloureuses initialement,
encore sanglantes et parfois d'un caractère impérieux. Ces phénomènes
vont aller progressivement en s'estompant. Ils peuvent dans certains cas mettrent
environ trois mois avant de disparaître totalement. Le maintien d'une
abondante diurèse (2 à 3 litres d'eau par jour) est nécessaire
jusqu'à ce que les urines redeviennent claires.
L’élimination de petits caillots ou débris
est banale dans les semaines suivant l’intervention. Elle correspond à
l’élimination des petites «croûtes» qui tapissent la
cicatrice interne et sous lesquelles se reconstitue progressivement l'épithélium.
Leur élimination peut donner lieu à un saignement plus abondant
alors que les urines s’étaient parfois complètement éclaircies.
Plus rarement (environ 5 % des cas) ce saignement peut entrainer
la formation de caillots et parfois un blocage, ceci de façon non prévisible
pendant les 2 à 3 semaines qui suivent l’intervention («chute d’escarre»).
Dans ce cas le traitement consiste en la remise en place d’une sonde afin de
laver la vessie pendant quelques heures voire quelques jours et nécessite
donc une réhospitalisation pendant 24 à 72 heures. Il est donc
important pour limiter ce risque de boire abondamment lorsque les urines sont
encore sanglantes ou le redeviennent, et contacter en urgence votre urologue
ou se rendre aux Urgences si l’émission d’urine n’est plus possible.
Les conséquences de cette intervention sont d'ordre sexuel. Celle-ci entraîne en effet une éjaculation rétrograde. L’éjaculation existe toujours et ne se fait plus vers l’extérieur en empreintant l’urètre mais dans la vessie, le sperme se mélangeant alors avec les urines contenues dans la vessie. Cet effet est très fréquent mais n'est pas constant (90 % des cas). L'éjaculation rétrograde compromet donc la stérilité mais ne modifie pas le plaisir sexuel.
Par contre, l'ablation de l'adénome n'entraîne aucune modification de l'appareil érectile. Sur le plan physiologique, cette intervention n'entraîne donc pas d'impuissance. Toutefois, il est observé dans environ 10 % des cas une impuissance que l'on explique donc par des mécanismes d’ordre psychogènes.
Les complications pendant l'intervention ou précoces de cette intervention sont :
- un risque d'hémorragie pendant l'intervention. Il est lié à l'abondante vascularisation de la glande prostatique et parfois à l'apparition d'anomalies de la coagulation pendant l’intervention surtout si elle est longue. La nécessité d'une transfusion sanguine est très rare (inférieure à 5 %). Dans les suites, il existe un risque d’hémorragie secondaire encore appelé « chute d’escarre » d’environ 5 % (cf çi-dessus).
- un risque d'abcès ou d'hématome de paroi, plus exceptionnellement d'infection de l'os pubien. Ils peuvent dans certains cas nécessiter un drainage en retirant quelques points ou agrafes sur la peau afin de permettre leur évacuation, un traitement antibiotique.
- un risque de fistule vésico-cutanée (communication entre la vessie et la peau par l'incision, par désunion d'une suture interne), favorisé par la survenue d'un abcès. Elle nécessite alors le maintien d'un drainage de la vessie par la sonde vésicale plus longtemps que prévu jusqu'à cicatrisation et fermeture de la communication. Très rarement, une nouvelle intervention sera nécessaire.
- un risque thrombo-embolique : phlébite et embolie pulmonaire. Celui-çi est limité par la prescription par l’anesthésiste d’anticoagulants à doses adaptées au cas particulier.
- un risque d'infection urinaire. Il est minimisé par l'administration d'un traitement antibiotique le jour de l'intervention. Une infection sera systématiquement recherchée, après avoir retiré la sonde vésicale, en effectuant un examen cyto-bactériologique des urines. Plus rarement peut survenir une épididymite aiguë.
- exceptionnellement: brulûres par accident électrique, plaie d'un organe voisin (vaisseau pelvien, uretères, rectum).
Les complications plus tardives:
- un risque d'incontinence urinaire. On peut avoir des envies d'uriner fréquentes et urgentes qui peuvent entraîner de temps en temps quelques fuites d'urines incontrôlées et qui sont dues à une irritation de la vessie et à une forte contraction de son muscle au-dessus d'un sphincter qui n'est plus protégé par l'obstruction due à l'adénome prostatique. Ceci est une fausse incontinence qui régressera progressivement avec le temps et qui pourra même être traitée transitoirement par des médicaments visant à diminuer la contraction vésicale. L'altération du sphincter est par contre très rare après ce type intervention (< 5 %) contrairement à ce même risque après prostatectomie radicale pour cancer de prostate où il est de l'ordre de 10 à 20 %. Dans la plupart des cas, cette incontinence régresse progressivement avec le temps, et peut parfois nécessiter des séances de rééducation du sphincter qui accélère le processus de récupération.
- rarement, peut survenir à distance de l'intervention une éventration de la paroi.
- un risque de rétrécissement urétral (10 %) comme après tout geste portant sur ou empreintant l’urètre (sondages, interventions endoscopiques). Un rétrécissement urétral pour nécessiter une intervention le plus souvent par voie endoscopique s'il retentit sur la miction.
- enfin comme toute intervention chirurgicale ces complications peuvent être exceptionnellement mortelles (hémorragie, troubles de la coagulation, embolie pulmonaire, infection,…): ce risque demeure très rare mais non nul. De plus, même sous anesthésie loco-régionale un risque anesthésique ne peut être exclu. De même existe un risque d'infections nosocomiales: infections à certains germes, souvent résistants, contractées à l'hôpital. Ces infections peuvent intéresser le site opératoire, le reste de l'appareil urinaire, les poumons, les cathéters intra-veineux,… Le taux d'infection nosocomiale est globalement de l'ordre de 6 à 7 % tous services et toute pathologie confondue.
À distance cette intervention, la réapparition de difficultés pour uriner pourra faire suspecter la réapparition d'un adénome, le développement d'un rétrécissement sur l'urètre, sur le col de la vessie ou au niveau du méat urétral. Dans ce cas, il ne faut pas hésiter à consulter le chirurgien qui vous a opéré afin qu'il vérifie, soit par un examen radiographique, soit par un examen endoscopique, si l'une ou l'autre de ces complications est apparue. Dans ces cas, il peut parfois être nécessaire de prévoir une nouvelle intervention endoscopique de courte durée afin de permettre à nouveau un écoulement normal des urines.
Un adénome prostatique peut repousser. S’agissant d’une tumeur bénigne, cette repousse se fera lentement et se manifestera le plus souvent au-delà de 10 ans, que ce soit après résection trans-urétrale ou après adénomectomie chirurgicale. En cas de résection trans-urétrale incomplète de l’adénome, des symptômes peuvent réapparaître avant ce délai.
L’ablation de l’adénome, qu’elle se fasse par adénomectomie chirurgicale ou par résection endoscopique, laisse en place la partie périphérique de la prostate encore appelée coque prostatique. Sur celle-çi peut apparaître un cancer de prostate et ceci sans aucun rapport avec l’existence ou non d’un adénome qu’il ait été opéré ou non. En effet, le cancer de prostate trouve son origine 9 fois sur 10 sur cette partie périphérique et son risque n’est donc pas modifié par le traitement d’un éventuel adénome, siégeant lui à la partie centrale de la prostate et responsable quant à lui les troubles urinaires.
Une surveillance périodique est donc préférable après
intervention pour un adénome prostatique.
RECOMMANDATIONS LA SORTIE DU PATIENT
Quelles sont les recommandations durant le mois suivant l’intervention ?
- Eviter les exercices violents, la bicyclette. En revanche, la marche est indiquée.
- Ne pas soulever ou porter de lourdes charges.
- Ne pas « forcer » pour aller à la selle et au besoin utiliser un laxatif doux.
- Eviter de faire de longues distances en voiture.
- Eviter la prise d’aspirine, sauf en cas de prescription par votre médecin.
- Boire abondamment en évitant les boissons alcoolisées (surtout apéritif, bière, vin blanc). Tous les aliments sont autorisés, mais éviter les épices.
-
La reprise de l’activité sexuelle sera progressive après quelques
semaines.
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Docteur B. d'ACREMONT - Mise à jour le 29/12/2014